Inquiétant crash du dernier drone militaire français
Le retard de l'industrie aéronautique française dans les drones militaires risque de durer, après l'accident du nouveau drone tactique Patroller de Safran et les dérapages financiers sur le projet d'eurodrone.

Triste jour chez Safran Electronics & Defense, la branche militaire de Safran. Alors que le groupe s'apprêtait à fêter la livraison de son premier drone tactique « Patroller » , un appareil s'est écrasé au sol, à quelques kilomètres de la base aérienne d'Istres, où la Direction générale de l'armement et l'armée de terre devaient le réceptionner. Vendredi dernier, ce premier de série s'est écrasé près de la base aérienne d'Istres, sans faire de victime, au cours d'un vol de « réception industrielle », a précisé Safran. Le crash n'a fait aucune victime mais ses raisons sont totalement inconnues, alors même que le temps était clément. Une enquête vient d'être ouverte par le BEA-E, le bureau enquête accident du ministère de la Défense.
Le Patroller avait été commandé en 2016 par le ministère des Armées à Safran après une rude compétition contre Thales. Destiné à remplacer le Sperwer de l'armée de terre française, il devait initialement être livré fin 2018. Au Salon du Bourget l'été dernier, Safran l'avait pour la première fois exposé après un premier vol de qualification.
Décrit comme un véritable « Couteau Suisse », ses performances sont nettement supérieures à celle de la génération précédente, avec quelque 14 heures d'autonomie en vol dans un rayon de 150 kilomètres et la possibilité d'emporter 250 kg de senseurs en tout genre.
Basé sur un moto planeur de design allemand , le Patroller est équipé d'une optique ultra-performante et de liaison hertzienne puissante afin de renseigner en direct les forces sur un théâtre d'opérations.
Le premier exemplaire de ce petit bijou d'une tonne et de 18 mètres d'envergure devait être livré avant la fin de l'année. Le deuxième exemplaire du système Patroller, qui inclut 5 vecteurs aériens et deux stations sol, était attendu pour le début 2020. Le but inscrit dans la loi de programmation militaire est de doter l'armée de 3 systèmes avant 2025 et de 5 systèmes avant 2030. Pour Safran, qui a beaucoup investi dans ce programme estimé à plus de 350 millions d'euros, l'accident arrive donc au pire moment : celui de la livraison.
Pour l'armée de terre, qui attend avec impatience une amélioration de ses outils d'observation et de reconnaissance, l'accident augure d'un nouveau retard difficile à gérer.
Remise en question de l'Eurodrone
Par ailleurs, le projet de drone moyenne altitude, longue endurance MALE, cette fois destiné à l'armée de l'air pour remplacer les drones américains Reaper actuellement utilisés au Sahel, risque lui aussi d'être encore retardé.
Ce projet de drone européen, également lancé en 2016, pour permettre à l'Europe de rattraper son retard dans les drones face aux Américains, ne répond pas aux besoins de l'Armée française. Le projet défendu par Airbus, maître d'oeuvre associé à Dassault et Leonardo, est jugé trop coûteux, au point que la ministre de la Défense, Florence Parly, déclare que l'autonomie stratégique ne s'achète pas à n'importe quel prix.
De fait, la bimotorisation imposée par l'Allemagne, chef de file du projet, entraîne un surcoût important, peu d'avantages tactiques et une taille qui rend l'objet moins maniable que les Reaper. « L'Armée française n'a pas envie d'essuyer encore les plâtres d'un appareil surdimensionné, parce que l'Allemagne imagine un drone qui vole au-dessus de Munich et pas au Sahel », résume un pilote.
Les négociations se poursuivent avec l'Occar, l'office d'achat européen, et Airbus aimerait conclure avant la fin de l'année. Notamment pour obtenir les premières aides du Fonds européen de défense, qui a désigné l'eurodrone comme un projet prioritaire de la nouvelle politique de défense de l'Union. Reste que ces derniers mois, l'Iran, la Libye ou les Houthis ont montré qu'ils étaient capables d'abattre des drones sophistiqués, notamment le Global Hawk de Northrop Grumman. Mieux vaut donc miser sur des outils de surveillance bon marché.
La France souhaite faire évoluer le dossier. L'Allemagne n'a pour l'instant pas réagi.
Cette publication a été écrite par Cédric Giboulot pour les lecteurs de Centraledrones.com.
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