Un drone marin pour protéger les cétacés
Les Côtes de Toulon ont toujours été spéciales pour les marins et la Marine Nationale. En effet, le Sphyrna en a fait son terrain de prédilection.
C'est un navire à l'allure d'une pirogue polynésienne que nous découvrons. Mais ce navire est spécial, en effet, c'est un drone. Sa raison d'exister, enregistrer les sons émis par les cachalots. Il est entièrement équipé de micros sous-marins.
Grâce au Sphyrna, les scientifiques espèrent décrypter leurs déplacements pour mieux protéger ces espèces menacées.
Voici la bête !

Il faut savoir que les cachalots, quasi invisibles, passe plus de 95% de leur temps sous l'eau à plus de 1000 mètres de profondeur dans la plus totale obscurité et l'étude acoustique reste encore le meilleur moyen de connaître ce cétacé, qui se dirige grâce à un sonar ultra-performant.
Habituellement, c'est grâce à des bouées qui divaguent dans les océans que les enregistrements sont effectués ou à des appareils embarqués sur d'imposants bateaux. Problème: ces études s'effectuent à point fixe et changent le comportement de l'animal.
Un espion silencieux
Le Sphyrna commandé à distance peut, lui, suivre silencieusement les cachalots pendant des heures dans les abysses et capter les sons avec ses cinq micros sous-marins sur un rayon de 10 km et une profondeur de 2000 mètres. Il agit comme un «éclaireur», se félicite le scientifique.
De petite dimension - 17 mètres de long et 4 de large -, ce bateau, qui pèse à peine plus d'une tonne grâce à des coques en fibre de carbone, est particulièrement stable grâce à leurs formes asymétriques. Son profil effilé permet aussi de réduire les frottements avec l'eau, résume son concepteur Fabien de Varenne, à la tête de la start-up Sea
Proven installée en Mayenne (ouest).
Autant d'éléments qui permettent à ce drone alimenté par des panneaux solaires de ne pas parasiter les enregistrements sous-marins qui permettront de quantifier les spécimens au large de la Côte d'Azur.
«On estime leur densité dans cette zone entre 200 et 1000. Grâce à cette étude plus précise, on va pouvoir connaître leurs points de passage et les canyons où ils vont chercher de la nourriture», se réjouit M. Glotin.
Tués par collision
L'enjeu est de taille pour les cachalots, dont la réduction de la population s'explique par la chasse mais aussi par les heurts avec les navires, de plus en plus nombreux et rapides.
«C'est très difficile à évaluer mais on estime entre deux et quatre par an le nombre de spécimens tués par collision sur la côte française méditerranéenne. C'est énorme!», souligne le professeur, qui espère réduire le nombre de victimes en adaptant les passages des ferries aux déplacements de cet animal, qui pèse en moyenne 40 tonnes.
«Si le cétacé est équipé d'un sonar qui peut percevoir les bruits à une distance de 30 à 40 km, il s'en sert pour les fonds et non en direction de la surface» où il remonte en moyenne toutes les 50 minutes. «Quand il perçoit le bruit d'un moteur émis à l'arrière d'un navire, il pense dans le silence qui règne à l'avant du bateau disposer d'un espace sûr», explique M. Glotin.
Attendus dès septembre
«Le cachalot passe son temps à éviter les collisions, mais il y a des ratés», poursuit le chercheur qui veut démontrer que la pollution sonore perturbe ses déplacements et ses lieux de chasse.
«S'il ne se sent pas en sécurité, il ne viendra plus se reproduire. Et en l'absence de leur prédateur, d'autres espèces vont prendre le dessus comme les méduses qui se nourrissent elles-mêmes de larves de poissons, au grand dam des pêcheurs», relève-t-il. Les premiers enseignements des milliers de données collectées tout au long de l'été sont attendus dès septembre.
En Amazonie aussi
Il n'y a pas qu'en Méditerranée où les drones sont au service de l'environnement. Dans la réserve de développement durable de Mamiraua, au coeur de la forêt amazonienne au Brésil, des scientifiques étudient à l'aide de ces appareils le comportement des dauphins d'eau douce. Le drone leur sert à surveiller l'évolution de la population des dauphins rosés (Inia geoffrensis) et des dauphins de l'Orénoque (Sotalia fluviatilis).
«Il y a beaucoup de dauphons dans la jungle amazonienne. Avec les résultats de cette surveillance, nous allons pouvoir comprendre comment protéger les animaux de chaque région, quelles sont les menaces et comment y faire face», explique Miriam Marmontel, de l'Institut Mamiraua. Et puis «nous pourrons proposer des politiques publiques de préservation», complète Marcelo Oliveira, membre de WWF-Brésil.
Les drones «sont un outil qui réduit le coût et le délai des recherches», relève aussi l'océanographe Miriam
Marmontel.
Une partie des données du projet baptisé EcoDrones sera analysée par l'université de Liverpool, au Royaume-Uni, en partenariat avec WWF-Brésil. L'objectif est de tenter de créer un algorithme qui permette d'identifier chaque spécimen.