Y aura-t-il des drones iraniens à Noël ?
En décembre 2011, catastrophe. L'engin maléfique se pose sans crier gare et comme une fleur au beau milieu de la République islamique d'Iran. "Hacké par une unité de guerre électronique", claironne alors Téhéran, trop content de prendre les Américains la main dans le sac de l'espionnage et de récupérer le drone quasiment intact . "Un problème technique qui relève de notre responsabilité et de la responsabilité de personne d'autre", rétorque, vexé, Washington , qui réclame, en vain, la restitution de l'engin.
Bien décidés à faire de l'aile volante un boomerang, les "gardiens de la révolution" annoncent qu'ils vont la copier et l'intégrer à leur arsenal. En avril 2012, Amir Ali Hadjizadeh, commandant des forces aériennes et spatiales des pasdarans, annonce que l'Iran a réussi à percer les secrets du RQ-170 :"Toutes les technologies des Américains employées dans les avions de combat F-35, les bombardiers furtifs (...) sont rassemblées dans le drone",affirme-t-il avec gourmandise.
Deux et demi plus tard, le même Hadjizadeh apparaît le 12 novembre sur la première chaîne iranienne. Hourra ! Le RQ-170 made in Iran est fin prêt et il vole... images à l'appui. Et pour ne rien gâcher, ses ingénieurs ne se sont pas contentés de copier l'original mais l'ont bien entendu amélioré.
Et que voit-on ? En guise de RQ-170, un gros jouet noir virevoltant dont les rugissements des réacteurs semblent surtout le produit de l'imagination d'un ingénieur du son de la télévision iranienne.
Un petit tour sur des forums anglophones ou francophones d'aficionados de la chose militaire confirme les soupçons : l'accueil pourrait être résumé par un : "Je veux le même à Noël."
Le site de la revue de défense spécialisée Jane's Defence Weekly porte le coup de grâce : taille, train d'atterrissage, antenne... Rien ne colle. La vidéo des Iraniens montre une réplique radiocommandée et à échelle réduite. Jane'srappelant au passage que Téhéran n'en était pas son premier coup d'essai en matière d'annonces fumeuses.
En février 2013, Téhéran avait rendu publique sa réponse aux avions furtifs américains : le chasseur F-313 Qaher ("conquérant") avec vidéo du "vol" et présentation d'un exemplaire en présence de l'ex-président Ahmadinejad.
Applaudissements des modélistes et perplexité des spécialistes, prêts à donner la dernière onction à tout pilote d'essai qui se risquerait à monter à bord. Equipé d'un réacteur, un engin aux finitions et à l'aérodynamisme aussi douteuses pouvait faire des dégâts. Mais pas chez l'ennemi.
Pourquoi tant de blagues ? Convaincre quelque contribuable crédule que ses impôts sont bien dépensés sans pour autant révéler des programmes sensibles ?
Car l'Iran – dont l'armée de l'air est la seule à faire voler, malgré l'embargo, le mythique intercepteur F-14 (celui de Top Gun) – est considéré comme l'un des rares pays maîtrisant la conception de drones.
Les Syriens, qui en voient passer tous les jours au-dessus de leur tête pour guider les frappes de l'aviation et de l'artillerie de Bachar Al-Assad, ne seront pas les derniers à en témoigner. Eux qui passeront un quatrième Noël sous les bombes.
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